Septembre 2013 : Le Bistr’eau de St Laurent du Pont

 

Pour lire l’article de présentation du programme de cette journée, cliquez-ici.


Le vendredi 20 septembre 2013, les Amis du Parc de Chartreuse ont organisé en partenariat avec le Parc de Chartreuse, le laboratoire Edytem (Université de Savoie), la municipalité de St Laurent du Pont, et le SIAGA une soirée d’échanges sur les questions liées à l’eau.
L’objectif de ce bistr’eau était de recueillir la connaissance des habitants et de faire connaître le projet d’observatoire de l’eau qui est actuellement en développement sur le périmètre du Parc de Chartreuse.


Accueillis dans la maison des associations de St Laurent du Pont, les participants (une trentaine), venus essentiellement de la commune et des environs, ont eu l’occasion de partager leurs savoirs et leurs points de vue sur la gestion du Guiers Mort et de l’eau potable à St Laurent du Pont.

En introduction, Raymond Ferrieux, adjoint en charge de la commission Travaux, Eau et Assainissement de St Laurent du Pont, a évoqué le contexte général de l’eau potable sur la commune. L’aquifère contiendrait 67 millions de m3 d’eau ! Une ressource qui à l’heure actuelle, serait amplement suffisante pour assurer l’alimentation en eau de l’ensemble des habitants de la commune.

A noter qu’une première étude hydrogéologique du Guiers Mort a été menée en 1972. Elle permit d’avoir les premières connaissances sur le fonctionnement de la nappe alluviale de la plaine de St Laurent du Pont.

Le Guiers Mort étant à l’honneur des discussions, le lancement de cette soirée a débuté par le visionnage d’un film réalisé en 2011 par le SIAGA sur les sources du Guiers en partant du Rhône jusqu’aux deux Guiers, le Vif et le Mort. Un beau voyage introductif qui met en valeur la richesse de ces paysages.

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Visionnage du film sur le Guiers Mort (SIAGA)

Aurore Provent, des Amis du Parc de Chartreuse, a enchaîné avec une présentation de l’association avant de laisser la parole à Bérangère Serroi, doctorante au laboratoire EDYTEM (Université de Savoie) et chargée de mission du Parc de Chartreuse, qui a présenté le projet d’Observatoire de l’Eau "Chartreuse-Guiers"mené conjointement par les structures suivantes :

 Le Parc naturel régional de Chartreuse
 Le SIAGA, interdépartemental d’aménagement du Guiers et de ses affluents
 Le laboratoire Edytem
 Les Amis du Parc de Chartreuse

Ce projet participatif permettra d’enrichir les connaissances en eau sur le territoire, et dont le bistr’eau est inclus dans cette démarche.

Après une présentation du déroulement de la soirée par Fabien Hobléa, enseignant-chercheur à l’Université de Savoie, une première animation ludique a été proposée autour des expressions multiples et variées liées à l’eau.

La première partie de cette soirée était consacrée à la mémoire et à la culture de cette ressource au niveau local.

L’animation s’est poursuivie par évocation des noms de lieux liés à l’eau (toponymie et hydronymes) autour de St Laurent du Pont.
Nous trouvons par exemple le chemin du canal, le chemin de la source, le hameau des Souillets...etc.

Histoire et origines du Guiers

Le nom "Guiers" viendrait de "Garu", qui signifie "eau rapide", en rapport à son débit déjà connu au 14ème siècle pour être assez important. La légende dit que le Guiers Mort aurait été nommé ainsi suite à une sécheresse. La date exacte est méconnue, mais se serait antérieur à 1355, année où la frontière entre la France et la Savoie a été fixée au Guiers, sans plus de précisions. Le Guiers Vif aurait été nommé ainsi en opposition au Guiers Mort.

La gémélité entre ces deux affluents du Guiers est très étonnante puisque les noms de leurs affluents respectifs sont très similaires :
 L’Herbetang et le Cozon sont les affluents principaux du Guiers Vif
 L’Herrétang et le Couzon sont les affluents principaux du Guiers Mort.
D’après un des participants, cette similitude aurait servi autrefois à perturber la police !

La seconde partie de cette soirée a été consacrée à la gestion du Guiers Mort et de l’eau sur la commune.

Thibaud Wyon, chargé de mission du SIAGA, présenta l’évolution de la morphologie du Guiers Mort :
 Entre Napoléon et 1945, la rivière avait une morphologie plutôt naturelle avec de nombreux méandres et chenaux. Après 1954, les travaux d’aménagements pour les exploitations agricoles ont canalisé petit à petit le cours d’eau jusqu’à aujourd’hui.
 La longueur du cours d’eau serait alors passée de 12km à 6km d’après Jean Thibaut, président de l’AAPPMA de pêche du Haut Guiers.

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Intervention de Thibaud Wyon du SIAGA

L’enfoncement du lit du Guiers Mort entre 1947 et aujourd’hui montre une baisse maximale de 4 mètres (notamment entre la zone industrielle de St Laurent du Pont et la confluence avec l’Herretang).
Suite à cela, il a été demandé au public :
Les causes éventuelles de cet enfoncement ?
 La progression de la couverture forestière, son rôle dans la stabilisation des sols et son incidence sur l’écoulement de l’eau
 l’assèchement des terrains agricoles par effet de drainage
 la canalisation et le raccourcissement du cours d’eau qui ont pour effet d’augmenter la vitesse du courant et de ce fait le phénomène de creusement du lit...etc.
Les conséquences éventuelles de cet enfoncement ?
 la fragilisation des ponts
 la déstabilisation des berges
 l’appauvrissement des habitats piscicoles (les affleurements de molasse viennent perturber l’habitat de la macrofaune qui préfère les rivières de galets)
 l’augmentation du risque en aval
 l’abaissement du toit de la nappe alluviale ...etc

La canalisation et l’enfoncement des cours d’eau est actuellement un cas très classique dans les rivières de montagne à débit élevé.

Une présentation des travaux effectués par le SIAGA a permis de comprendre la présence de différents artifices sur le Guiers Mort.
Les digues et protections de berges consistent en général à réduire l’espace occupé par le cours d’eau et à limiter la fréquence des débordements pour développer des activités sur les terrains situés dans le lit majeur de la rivière. Les seuils et barrages construits en travers des rivières permettent de stocker de l’eau, d’aménager des activités halieutiques, de produire de l’électricité…

La parole a ensuite été donnée aux pêcheurs de l’AAPPMA du Haut Guiers, grands observateurs du milieu aquatique, pour évoquer l’évolution qualitative et quantitative des rivières.
La qualité de l’eau se serait nettement améliorée, et ce fut l’occasion d’en apprendre un peu plus sur les différentes espèces qui habitent le Guiers Mort.

Le saviez-vous : Il y a trois variétés de truites dans le Guiers :
 la truite de Souche
 la truite d’Atlantique
 la truite hybride
Malheureusement, certaines espèces ont disparus comme par exemple la truite Chabot.

C’est ensuite Raymond Ferrieux qui présenta plus en détail l’organisation du réseau d’eau potable de St Laurent du Pont. Actuellement, la ressource principale provient du captage de la Guillotière qui pompe l’eau de la nappe phréatique située sous la tourbière de l’Herretang. Sur ce captage, l’eau est uniquement traitée aux UV pour ne pas altérer le goût.

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Intervention de Raymond Ferrieux (municipalité de ST Laurent du Pont)


Quelques chiffres :

 Il y a en tout 7 captages sur la commune, soit 2600m3 d’eau stockée en permanence et desservie aux robinets à travers 27km de tuyaux et canalisations.
 La consommation d’eau potable en 2012 était de 480 000 m3.

La plaine de St Laurent du Pont se définit dans des termes géographiques comme étant une "cuvette", ou bien une "dépression". D’autres diront plutôt que c’est "un pot de chambre" !

Fabien Hobléa a ensuite apporté des éléments de compréhension sur le fonctionnement géologique et hydrogéologique de la nappe phréatique.
Les dépôts alluvionnaires et la formation d’une plaine attestent de l’ancienne présence des glaciers. Durant le quaternaire, les glaciers viennent envahir les terrains mollassiques, qui sont eux-mêmes issus de l’ancienne mer pré-alpine et déposés durant la formation des Alpes, il y a 40 millions d’années.
La cuvette de St Laurent du Pont se gorge peu à peu en eau avec le retrait des glaciers et donne naissance aux cours d’eaux et à la plaine alluviale.
Le cône de déjection situé à la sortie des gorges du Guiers Mort créa un "granuloclassement" des matériaux en déposant les plus fins (sables, graviers) à l’entrée de St Laurent du Pont, suivi d’une couche épaisse d’argile de l’autre côté de la plaine (côté Jura), créant un mur étanche d’argiles. Ceci a permis la création de la nappe phréatique d’une épaisseur de 115 mètres, qui est aujourd’hui la source principale d’eau potable de la commune.
La spécificité de cette plaine c’est qu’elle se caractérise par la présence de deux plaines alluviales (celle du Guiers Mort, et celle du Guiers Vif vers Les Echelles), séparées par un mur d’argile. Seul le Guiers Mort permet de faire la connexion entre ces deux nappes.

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Schéma représentatif des deux plaines alluviales (Fabien Hobléa)

Le graphique ci-dessous représente la structure de la nappe phréatique de St Laurent du Pont. Cela nous permet de visualiser les principales sources d’alimentation de cette nappe :
 le chaînon du Ratz
 le ruisseau du Merdaret
 le Guiers Mort

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La tourbière de l’Herretang est-elle affectée par le pompage de la nappe ?
 Une couche d’argile sépare la tourbière de la nappe, ce qui permet de conserver cet espace naturel, également classé zone Natura 2000.

Pourquoi les Gorges de Crossey sont-elles asséchées ?
 Les gorges de Crossey ont été creusées par l’ancienne présence du Guiers Mort. Après le retrait des glaciers, le cheminement de la rivière a dérivé vers son cheminement actuel.

Après un début de soirée riche en informations et échanges, une pause repas a permis aux participants de se restaurer avec des galettes et des crêpes préparées par l’équipe des Amis du Parc de Chartreuse.
Une petite animation de dégustation de différentes eaux du Massif fut proposée : Quelle eau est celle de St Laurent du Pont ?

La soirée s’est conclue par un partage des craintes et des espoirs, des problématiques et des solutions concernant l’évolution de l’utilisation de l’eau et de la gestion des rivières.
Les participants avaient préalablement été invités à faire part de leurs observations sur des post-it, qui ont ensuite été détaillés.

Ceci a donné lieu à un échange riche lors duquel ont été notamment évoqués les sujets suivants :

 Y a t-il d’autres captages qui alimentent St Laurent du Pont ?
La commune ne reçoit aucune eau de captages d’autres communes mais approvisionne par contre une partie du réseau de St Aupre, de Miribel les Echelles et d’Entre-Deux-Guiers.

 Où vont ensuite les sédiments bloqués par les seuils ?
Une personne a observé une absence de sédiments en amont des seuils. Thibaud Wyon précisa que certains seuils possèdent une vanne de fond qui lorsqu’elle est actionnée, permet le transit des sédiments en aval. La plupart n’en est pas équipé et finissent par se combler de sables, graviers, galets…. Lors des crues, la partie la moins grossière des sédiments arrive à passer en aval. Ces ouvrages restent cependant des obstacles infranchissables pour les truites (lors de leur migration annuelle pour se reproduire sur les zones de frayères située en amont). Leur aménagement reste donc un enjeu essentiel pour la restauration de la continuité écologique.
Les seuils aménagés en aval de Saint Laurent du Pont jusqu’à la zone d’activité ont été aménagés pour limiter l’enfoncement du lit du Guiers Mort et de stabiliser le fond du lit.

En conclusion, Fabien Hobléa a souligné l’importance de l’implication de la population dans la connaissance et gestion de cette ressource. L’observatoire de l’eau permettra d’ailleurs de poursuivre la démarche initiée dans les bistr’eaux en permettant de centraliser ces informations pour pouvoir engager des actions.

Ce bistr’eau a permis de faire ressortir les problèmes par rapport au Guiers Mort et notamment l’enfoncement de son lit et l’utilité des seuils et barrages. Il a aussi mis les acteurs et les usagers en relation directe en leur permettant de discuter ensemble de solutions à adopter. Nous remercions tout particulièrement Louis Monin-Picard, président du SIAGA, pour sa présence à cette soirée.

La participation est une composante essentielle des bistr’eaux. C’est aussi une notion en grande émergence ces dernières années et qui nécessite d’être étudiée. C’est pourquoi nous aurons la chance de pouvoir profiter des travaux de thèse de Mélanie Ferraton, qui travaille depuis mars 2013 sur la question des actions participatives autour de la thématique de la gestion de l’eau au sein des Parcs naturels régionaux du Sud-Est de la France.
Ce bistr’eau a été particulièrement convivial et riche en échanges d’informations et nous remercions grandement tous les participants.

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Les Amis du Parc remercient l’équipe du SIAGA, le laboratoire Edytem et la municipalité de St Laurent du Pont pour leur collaboration très appréciée !


Des bistr’eaux ont déjà été organisés au Sappey-en-Chartreuse, à Entremont-le-Vieux, à St Christophe-la-Grotte, à Coublevie et à St Thibaud de Couz. D’autres soirées d’échanges seront prévue en 2014.


Pour plus d’informations sur les prochains bistr’eaux (dates et localisations), vous pouvez demander, si ce n’est pas le cas, à recevoir l’agenda des Amis du Parc de Chartreuse qui est communiqué par email tous les mois. Pour cela, rendez-vous sur le formulaire de contact en cliquant ici ou bien envoyez un email à amis-chartreuse@laposte.net

Ces opérations ont été organisées grâce au soutien des partenaires suivants :

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Les Amis du Parc de Chartreuse ont choisi comme valeur principale de proposer, solliciter, générer une approche participative.

Nous vous espérons très nombreux pour répondre, participer, proposer !

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